
Mercredi 28 Juillet 2021
21h
Paroles de femmes
Jardins du Musée Matisse
Programme
Wolfgang Amadeus MOZART (1756-1791)
Air de concert « Ch’io mi scordi di te », K.505
Clara SCHUMANN (1819-1896)
Liebst du um Schönheit
Geheimes Flüstern hier und dort
Sie liebten sich beide
Warum willst du and’re fragen
Er ist gekommen
Clara SCHUMANN (1819-1896)
3 Romances pour piano, op.21
Alma MAHLER (1879-1964)
Bei dir ist es traut (Rilke)
Laue Sommernacht (Falke)
In meines Vaters Garten (Hartleben)
*****
Francis POULENC (1899-1963)
3 Poèmes de Louise de Vilmorin
Le garçon de Liège
Au-delà
Aux officiers de la garde blanche
La Dame de Monte Carlo (texte de Jean Cocteau)
Jules MASSENET (1842-1912)
Mélodie (Elégie) pour piano, op.10 n°5
Jules MASSENET (1842-1912)
Le Cid : « Pleurez mes yeux »
Charles GOUNOD (1818-1893)
Faust : « Ah, je ris de me voir si belle » (air de Marguerite)
Natalie Dessay soprano
Philippe Cassard piano
Paroles de femmes… souvent imaginées sous la plume d’un homme : c’est Beethoven rendant hommage à la courageuse Leonore qui déploie toute son énergie pour délivrer son époux Florestan), c’est Puccini magnifiant l’inébranlable espérance d’une Cio-Cio-San, la détermination d’une Floria Tosca, ou l’intuition d’une Minnie – adorée par toute une petite société de chercheurs d’or – qui perçoit la véritable nature de son amoureux Ramerrez (alias Dick Johnson) au-delà des simples apparences. En France, c’est Massenet qui s’attendrit sur la déchéance d’une Manon, ou Poulenc qui s’attache à dévoiler la vie – et la fin tragique – d’une communauté de carmélites. En Allemagne, Wagner confie à Senta la plus haute mission qui soit : accorder au Hollandais maudit la grâce d’une rédemption. Le même Wagner élaborera une tétralogie où la veulerie (masculine) des Dieux se verra anéantie par la force et l’intelligence d’une Brünnhilde. Ce ne sont que quelques exemples… mais la place de la femme en musique – particulièrement dans le monde de l’opéra – est immense (sans oublier le sacrifice d’une Violetta Valery qui assure à Verdi, encore aujourd’hui, une popularité planétaire).
L’homme a souvent rendu hommage aux femmes, à la Femme. Mais… la parole féminine a-t-elle seulement pu s’exprimer ? En fait, il fallut attendre le XXe siècle pour que la plume des femmes gagne l’estime et la reconnaissance masculines : souvenons-nous du « Groupe des Six » (ainsi nommé par le critique musical Henri Collet) qui comptait parmi ses membres le talent créateur d’une Germaine Tailleferre. De nos jours, les œuvres de Camille Pépin, Edith Canat de Chizy, Florentine Mulsant, Betsy Jolas ou Kaija Saariaho remplissent les programmes de concert. Et qu’en est-il des siècles qui ont précédé le XXe ?
Jusqu’au XIXe siècle, au vu des noms égrainés par l’Histoire, force est de constater que la femme créatrice reste dans l’ombre, ou demeure absente, tant en musique qu’en peinture ou en littérature (on pense naturellement à la célébrité d’une Madame de Sévigné, mais cette célébrité ne sera acquise qu’à titre posthume). Le concert de ce soir rend hommage à deux femmes du XIXe siècle (et début XXe pour Alma Mahler), deux femmes aux destinées diamétralement opposées : Clara Wieck (qui épousera Robert Schumann) était une pianiste accomplie, une remarquable virtuose qui suscitait même l’admiration d’un Franz Liszt ou d’un Paganini. Elle était aussi compositrice… dont le talent était pleinement reconnu par son époux. Ainsi, Robert Schumann n’hésitait pas à prophétiser : « Nous publierons beaucoup de choses sous nos deux noms réunis. La postérité doit nous regarder comme un cœur et une âme uniques ». Noble pensée… que ne partageait pourtant pas l’éditeur Breitkopf & Härtel… ce qui fit déclarer à Johannes Brahms, ami intime du couple Schumann : « Ils étaient unis en toute beauté dans l’art comme dans leur vie, un signe extérieur devrait donc consacrer cette noble union ». Ce « signe extérieur » qu’espérait Brahms, c’était justement une publication des partitions stipulant les noms de Robert et Clara, tant les œuvres de Robert portaient l’empreinte de son épouse. Clara, pour Robert, était tout à la fois : une muse inspiratrice, une plume se mêlant à la sienne, et une conseillère avisée (ainsi écrivait-elle à son futur époux : « Je me réjouis infiniment de la deuxième sonate, elle me rappelle nombre d’heures heureuses […]. Mais une chose encore : veux-tu laisser le dernier mouvement entièrement tel qu’il était à l’origine ? Change-le plutôt un peu et rends-le plus facile, car il est quand même trop ardu. Moi, je le comprends parfaitement et je le joue aussi au besoin, mais les gens, le public et même les connaisseurs, pour qui en vérité on écrit, eux ne comprennent pas cela. Tu ne m’en veux pas, n’est-ce pas ? Tu m’as écrit que je devais t’écrire ce que je pensais comme si tu étais mon mari » ; le Finale de cette sonate sera bien révisé par Robert en 1838 !).
Si le catalogue de Clara Schumann s’avère assez peu fourni, c’est que la vie familiale impose des exigences peu compatibles avec l’acte créateur : s’occuper de 8 enfants remplit largement une journée…
Le sort d’Alma Mahler fut moins enviable… Il nous reste un certain nombre de lettres de Gustav, dont une (adressée à Alma) par laquelle il interdit purement et simplement à sa fiancée de se livrer à la composition. Non par misogynie, ni même par despotisme (même si Mahler pouvait laisser transparaître certains penchants despotiques, notamment lorsqu’il était directeur de l’Opéra de Vienne), mais par conviction que sa future épouse n’avait aucun talent, aucune disposition pour prétendre livrer au monde une œuvre musicale. Alma Mahler composa malgré tout quelques Lieder… que certaines artistes aujourd’hui, dont Natalie Dessay, s’emploient à faire revivre.
Autour de Clara et d’Alma, Mozart, Poulenc, Massenet et Gounod viendront ajouter leur vision… masculine de l’âme féminine.
Jean-Noël Ferrel

Clara Schumann

Alma Mahler (1902)
BIOGRAPHIES

Natalie Dessay (©Simon Fowler)
Après une carrière exceptionnelle menée sur toutes les plus grandes scènes internationales (Metropolitan Opera de New York, Wiener Staatsoper, Scala de Milan, Covent Garden de Londres, Opéra de Paris… dans des rôles tels que Königing der Nacht, Lucia, Lakmé, Zerbinetta, Ophélie, Cleopatra, Manon, Traviata ou encore Marie (La Fille du Régiment) et Mélisande, la soprano Natalie Dessay décide d’orienter sa carrière vers le récital, le théâtre et la chanson.
Sa rencontre avec Michel Legrand, décisive, la conforte dans son choix, d’autant que leur entente artistique est parfaite. S’en suivront une tournée en Europe et en Amérique, Les Parapluies de Cherbourg en production au Théâtre du Châtelet, ainsi que la parution de deux albums : Entre Elle et Lui (Erato) et Beetwen Yesterday and Tomorow (Sony).
Elle est également invitée par le Théâtre du Châtelet pour la comédie musicale Passion de Sondheim dans une mise en scène de Fanny Ardant, où elle interprète le rôle de Fosca.
Parallèlement, elle continue une carrière de récitaliste en duo avec le pianiste Philippe Cassard avec qui elle donne de très nombreux récitals à New York, Londres, Tokyo, Moscou, Paris… Il enregistrent trois albums, Debussy (Erato), Fiançailles pour rire (Erato), Schubert (Sony).
Natalie Dessay est la première artiste lyrique française à avoir été nommée Kammersängerin au Wierner Staatsoper.
Le théâtre occupe maintenant une part très importante de sa riche vie artistique. Elle fait ses débuts, salués par une critique unanime, dans Und, un monologue d’Howard Barker, au Théâtre Olympia à Tours, repris dans plusieurs villes françaises ainsi qu’au Théâtre des Abbesses, à l’Athénée et au Dejazet à Paris. En juillet 2018, elle est l’hôte du Festival d’Avignon pour Certaines n’avaient jamais vu la Mer dans une adaptation et mise scène du roman de Julie Otsuka par Richard Brunel, et joue dans la pièce de Stefan Zweig La Légende d’une Vie au Théâtre Montparnasse et dans de très nombreux théâtres français.
Actuellement, elle se tourne à nouveau vers la chanson en interprétant Nougaro dans un programme conçu et réalisé par Yvan Cassar : Sur l’Ecran noir de mes Nuits Blanches.

Philippe Cassard (©Vincent Catala)
Formé par Dominique Merlet et Geneviève Joy-Dutilleux au Conservatoire de Paris, Philippe Cassard y a obtenu en 1982 les premiers Prix de Piano et de Musique de Chambre. Il approfondit ses connaissances à la Hochschule für Musik de Vienne et reçoit les conseils du légendaire Nikita Magaloff. Finaliste du Concours Clara Haskil en 1985, il remporte en 1988 le Premier Prix du Concours International de Piano de Dublin.
Il joue sous la direction de Sir Neville Marriner, Sir Roger Norrington, Leonard Slatkin, Marek Janowski, Charles Dutoit, Pascal Tortelier, Armin Jordan, Vladimir Fedosseijev…
A partir de 1993, Philippe Cassard présente dans le monde entier le cycle intégral de l’oeuvre pour piano de Debussy en une journée et 4 concerts. Il collabore avec des chanteurs tels Christa Ludwig, Karine Deshayes, Wolfgang Holzmair. Sa collaboration exclusive, depuis 2011, avec la soprano Natalie Dessay débouche sur 3 enregistrements (Debussy, Schubert, Mélodies françaises) et près de 100 récitals sur les scènes les plus prestigieuses.
Discographie riche de 40 titres : Schubert, Debussy, Fauré, Mendelssohn, Schumann, Brahms…
En 2020, pour le label La Dolce Volta : des Trios de Beethoven avec David Grimal et Anne Gastinel, qui sont multi-récompensés ; la 9ème Symphonie de Beethoven transcrite par Liszt pour deux pianos avec Cédric Pescia ; les Sonates de Schubert D.845 et D.850.
Philippe Cassard a présenté depuis 2005 plus de 650 émissions de « Notes du Traducteur » (Grand Prix de l’Académie Charles Cros et Prix de la Scam pour la « meilleure oeuvre sonore » en 2007) et de « Portraits de famille » sur France Musique.
Il a écrit deux essais sur Schubert et Debussy (Actes Sud) et il est chroniqueur à L’Obs.
Natalie Dessay soprano
Philippe Cassard piano
Le duo s’est constitué en 2011 et a, depuis, donné plus de 80 récitals à travers le monde, dans les salles les plus prestigieuses : Carnegie Hall à New York, Suntory Hall à Tokyo, Philharmonie de Saint-Pétersbourg, Musikverein et Opéra de Vienne, Barbican à Londres, Théâtre des Champs-Élysées à Paris, Jordan Hall à Boston, Teatro Real à Madrid, La Monnaie à Bruxelles…
D’abord concentrés sur la Mélodie française avec un premier CD Debussy (Erato), unanimement accueilli, puis un deuxième avec des Mélodies de Poulenc, Fauré, Duparc, Chausson et Chabrier (Erato), Natalie Dessay et Philippe Cassard ont ajouté le Lied allemand à leur répertoire : Schubert (un CD Sony), Mendelssohn, Brahms, Clara Schumann, Alma Mahler, Pfitzner et Richard Strauss.